Les Corses les gardent pour eux : 7 plages secrètes dont vous n’avez jamais entendu parler

On croit tout connaître de la Corse, ses reliefs escarpés, sa mer d’un bleu vif, ses villages suspendus entre ciel et pierre, et ses plages aux reflets de carte postale. Pourtant, il existe une autre Corse, plus discrète, plus exigeante, celle qu’on ne découvre qu’après l’effort ou par le hasard d’un chemin de traverse. Ces lieux ne figurent pas sur les brochures touristiques ni sur les itinéraires classiques. Ils se transmettent à voix basse, comme un secret précieux partagé entre insulaires. J’ai pris le temps d’aller les chercher, une à une, guidée par des conseils locaux, des pistes oubliées, des silences propices à la contemplation. Voici ces sept plages que la plupart des voyageurs ne verront jamais, et c’est justement pour cela qu’elles sont inoubliables.

Ce qui distingue ces plages des autres

Dans ma quête d’authenticité, je ne cherchais pas simplement des lieux déserts, mais des paysages préservés où l’intervention humaine est réduite au minimum, où le sable n’est foulé que par ceux qui prennent le temps de l’atteindre. Il ne s’agit pas de commodité, mais de mérite. Certaines de ces plages ne s’offrent qu’après une marche exigeante, d’autres après une traversée par mer ou un parcours sur piste poussiéreuse. Loin des plages aménagées, ces lieux se méritent autant qu’ils se protègent.

Saleccia, entre isolement et éblouissement

Je me souviens encore du frisson éprouvé à la première vision de Saleccia, après une piste chaotique à travers le maquis du Désert des Agriates. Le 4×4 semblait lutter contre la poussière et la roche, mais l’arrivée fut une récompense totale. Une étendue de sable blanc, si fin qu’il crissait à peine sous les pas, s’ouvrait sur une mer limpide, ourlée de nuances turquoise, bordée de pins parasols qui apportaient une ombre précieuse. Il n’y avait rien d’autre. Ni bar, ni transat, ni musique. Juste la nature, brute et somptueuse. J’avais emporté de quoi tenir la journée, car ici, rien ne s’achète. Chaque instant passé à Saleccia semblait appartenir à une époque sans réseaux ni tourisme de masse, un luxe rare.

Ghignu, la solitude au bout du monde

Plus loin encore que Saleccia, après une marche à travers les crêtes rocailleuses, se trouve Ghignu. Une plage que peu atteignent, car son isolement frôle l’ascèse. Lorsque j’y suis arrivée, il n’y avait personne, absolument personne, et un silence épais enveloppait le rivage. Le sable prenait une teinte dorée sous le soleil de fin d’après-midi, et la mer semblait s’étirer dans une nappe parfaite, sans une ride. Le paysage alentour, presque lunaire, conférait une impression de bout du monde. J’ai passé des heures à m’y baigner, seule, portée par une eau d’une clarté irréelle, observant les poissons comme s’ils me découvraient eux aussi pour la première fois. Ghignu ne pardonne pas l’improvisation, il faut y aller préparé, mais elle m’a offert l’expérience la plus absolue de liberté.

Fazzio, entre crique et falaises

Depuis Bonifacio, le sentier des douaniers trace une ligne sublime au-dessus des falaises calcaires. Il faut marcher une quarantaine de minutes pour atteindre l’anse de Fazzio. Une crique encaissée, protégée du vent, où les rochers forment des bassins naturels d’eau limpide. J’y suis allée tôt, à l’aube, pour surprendre les premières lueurs du jour se reflétant sur les parois blanches. L’endroit est idéal pour nager avec un masque, tant la vie sous-marine y est riche et paisible. Le contraste entre les roches abruptes et la douceur de cette crique m’a fascinée. Il y avait quelque chose de sacré dans cette portion de côte, comme si elle avait échappé au tumulte du monde.

Cala Genovese, le Cap Corse dans sa forme la plus sauvage

Il faut mériter Cala Genovese, dans la partie ouest du Cap Corse. Le sentier serpente après Morsiglia, la route devient poussière, le goudron s’éclipse. À l’arrivée, une crique de galets roses entrecoupés de sable clair, blottie contre une côte déchiquetée. L’endroit ne supporte pas la foule, et c’est tant mieux. J’y ai croisé un pêcheur, solitaire, et une tortue marine qui s’aventurait près du rivage. Le vent soufflait à peine, assez pour porter l’odeur des immortelles. C’est l’un des rares lieux où j’ai eu la sensation de toucher à quelque chose de vraiment intact. Le Cap Corse ne s’offre qu’à ceux qui savent s’adapter à ses contours abrupts.

La Trava, le secret bien gardé de Solenzara

Au sud d’Aléria, la côte s’ouvre par endroits sur de longues plages délaissées, comme la Trava. À l’écart des axes principaux, elle est souvent ignorée par les visiteurs, préférant les criques plus spectaculaires du Sud. Pourtant, j’y ai trouvé une douceur rare. La mer y est calme, le sable clair, et les familles corses y installent souvent leurs serviettes pour la journée, à l’abri du regard. Il n’y a rien de spectaculaire à la Trava, et c’est précisément cela qui la rend unique. C’est un lieu d’habitude, de simplicité, de bain lent et de lecture à l’ombre. Une forme d’élégance discrète.

L’Arinella, balcon secret sur Calvi

À quelques kilomètres de Lumio, une route étroite descend vers l’Arinella, une petite plage que l’on pourrait confondre avec une anse ordinaire. Pourtant, la vue qu’elle offre sur la baie de Calvi est à couper le souffle. Le soir, la lumière dorée caresse les roches et révèle la citadelle dans un halo rosé. L’ambiance y est feutrée, presque confidentielle. Peu de visiteurs y viennent, attirés par les grandes plages de la Balagne. J’y ai partagé un pique-nique simple, mais le décor en a fait un moment inoubliable. C’est un lieu que j’ai du mal à quitter à chaque visite, tant il semble suspendu hors du temps.

Tamarone, l’évasion accessible

Près de Macinaggio, le sentier des douaniers mène à Tamarone, une plage plus accessible que les précédentes, mais tout aussi singulière. Elle s’étire le long d’un rivage sablonneux, bordé de maquis, souvent balayé par un vent doux. Ce jour-là, un groupe de jeunes faisait du paddle, glissant lentement sur une mer d’huile. J’ai préféré explorer les criques voisines, plus discrètes encore, accessibles à la nage ou à pied par des passages rocheux. Tamarone a cette capacité rare à accueillir sans dénaturer. On y respire une Corse encore paisible, habitée mais respectée.

Préparer son exploration avec soin

Ces plages ne supportent pas l’improvisation. Il faut anticiper, se préparer et respecter chaque lieu comme on respecterait un sanctuaire naturel. L’eau, le chapeau, les chaussures de marche, la protection solaire sont des incontournables. J’ai toujours gardé avec moi un sac léger, mais bien pensé. Il m’est arrivé de me perdre dans les sentiers, de devoir rebrousser chemin, mais c’est aussi cela l’expérience : accepter de ne pas tout contrôler.

La Corse m’a toujours offert le paradoxe de l’évidence et du mystère. Elle s’impose dans sa beauté immédiate, mais elle se mérite dans sa profondeur. Ces plages secrètes n’en sont pas vraiment : elles existent, bien visibles sur une carte. Ce qui les rend uniques, c’est l’effort qu’il faut consentir pour les atteindre, le silence qui y règne, la lumière qui y vit. J’ai arpenté ces lieux avec lenteur, avec respect, avec gratitude. Et je sais que j’y retournerai, toujours, comme on retourne vers une évidence oubliée. À ceux qui cherchent autre chose qu’un simple bain de mer, la Corse réserve ses plus beaux secrets.

Flora

Amoureuse et dénicheuses de lieux d’exception