À retenir
• Explorez des sites confidentiels autour d’Aix
• Privilégiez des chaussures adaptées
• Pensez à réserver certaines visites
• Préservez la discrétion des lieux
• Un itinéraire peut s’étendre sur 2 à 3 jours
Il existe autour d’Aix-en-Provence un chapelet de lieux à l’abri du tumulte, loin des foules, distillés comme des secrets entre les pins et les collines calcaires. C’est une Provence confidentielle, feutrée, insaisissable, que l’on découvre sans fracas, souvent au détour d’un sentier ombragé ou d’une ruelle oubliée. J’ai arpenté cette région non pas en touriste mais en chercheuse d’instants rares. Chaque lieu présenté ici m’a offert une parenthèse inattendue, comme un souffle venu d’ailleurs, entre spiritualité, beauté minérale et étrangeté presque sacrée.
Explorer autrement : les bons réflexes
Certains de ces lieux ne se laissent pas apprivoiser d’un simple coup d’œil. Il faut parfois une lampe de poche, des chaussures solides, un peu de silence et beaucoup de respect. Ce que j’emporte toujours dans mon sac : une carte topographique, une gourde bien remplie et cette disposition intérieure à la lenteur, à la contemplation. Laissez la voiture loin derrière. Privilégiez la marche, les petits détours, les chemins de traverse. Quelques endroits nécessitent une réservation ou un contact local : je vous les indique précisément au fil de l’article.
Le Jardin Japonais du Parc Saint-Mitre
Au cœur d’un parc botanique discret dans les quartiers nord d’Aix, le jardin japonais du Parc Saint-Mitre se révèle comme un havre de paix suspendu entre les cultures. Rien n’y est laissé au hasard : les galets blancs, les érables du Japon, la disposition des pierres, tout suit une grammaire symbolique millénaire. En m’y promenant un matin de fin d’été, j’ai eu l’étrange impression de franchir une frontière invisible. On y entre comme on entre en méditation. L’idéal est de s’y rendre tôt, quand la lumière caresse les mousses et que le silence n’a pas encore été percé par les voix. Le lieu se mérite, il se contemple lentement, dans une attention presque monacale.
Le château de la Calade à Puyricard
À l’écart du village de Puyricard, entre champs d’amandiers et allées de cyprès, se dresse une demeure du XVIIᵉ siècle presque oubliée des guides. Le château de la Calade se dévoile par ses pierres blondes et son jardin à la française. Ce lieu, je l’ai découvert par une amie antiquaire, lors d’un événement privé. La visite, uniquement sur rendez-vous, s’apparente à un voyage dans le temps. Les salons gardent l’empreinte des siècles, sans excès de restauration, avec cette patine que seul le vrai sait conserver. Un piano Pleyel, des tapisseries fanées, et l’odeur du bois ciré… c’est une atmosphère plus qu’un site touristique. Il faut oser appeler. Il faut oser frapper.
L’ermitage Saint-Ser
Perché à flanc de falaise, sous le profil acéré de la Sainte-Victoire, l’ermitage Saint-Ser offre une expérience à la fois physique et intérieure. Le sentier part du col de Portes et grimpe sèchement. Ce jour-là, un mistral violent balayait la montagne, rendant l’ascension presque initiatique. Là-haut, la chapelle creusée dans la roche s’ouvre sur un vide souverain. On sent battre le cœur du silence. J’y suis restée longtemps, seule, assise sur la pierre tiède, face à la vallée. Aucun panneau, aucun éclairage, juste le souffle du vent. C’est un lieu pour les âmes solitaires, pour ceux qui cherchent à se désencombrer du bruit du monde.
Le canyon de marbre
Caché dans les environs de Rognes, le canyon de marbre s’apparente à une entaille surréaliste dans le calcaire provençal. Il ne figure sur aucune carte touristique, mais quelques guides spécialisés organisent des balades thématiques autour de ses curiosités géologiques. Des veines de marbre rose, une végétation inattendue, et des parois abruptes où résonnent les pas. J’y ai vu une mésange charbonnière venir se poser à quelques centimètres, comme pour vérifier qui osait troubler l’équilibre. Il faut impérativement s’y rendre accompagné, tant l’accès est escarpé et l’environnement fragile. Un lieu brut, vertigineux, taillé pour les marcheurs-poètes.
Les carrières de Bibémus
Plus connues pour leur lien avec Cézanne, les carrières de Bibémus recèlent pourtant une aura bien plus secrète que ce que l’on croit. Ces entailles rouges dans la roche ont été le théâtre de visions picturales mais aussi d’expériences presque oniriques. Un matin brumeux, je me suis glissée dans ces labyrinthes de pierre, seule. Les murs semblaient vibrer d’une mémoire minérale. Des blocs abandonnés, des passages étroits, et toujours cette lumière rasante, entre feu et poussière. On y accède désormais uniquement sur visite guidée, mais certains créneaux permettent des visites silencieuses. N’hésitez pas à en faire la demande.
Ventabren et les ruines de la Reine Jeanne
Perché au bord d’un éperon rocheux, Ventabren est un village que l’on aborde comme un belvédère sur le temps. En contre-haut, les vestiges du château de la Reine Jeanne veillent sur la vallée de l’Arc. Il m’a fallu suivre un sentier caillouteux à travers les oliviers pour les atteindre, un soir de septembre. Là-haut, les pierres parlent encore. On raconte que Jeanne, reine de Naples, y aurait trouvé refuge. Je me suis laissée porter par ces récits transmis à voix basse par un vieil habitant du coin. Ce n’est pas un château au sens traditionnel : ce sont des ruines habitées, traversées par le vent et les mythes.
“Le Visible est Invisible” : art, secret et exploration
Cette initiative artistique confidentielle m’a été soufflée par une connaissance travaillant à l’école des Beaux-Arts. “Le Visible est Invisible” propose des visites très particulières dans des lieux abandonnés, transformés temporairement en espaces d’exposition ou de performance. Pas d’adresse fixe, pas de billetterie : on s’inscrit, on reçoit un SMS le jour même, avec les coordonnées précises. J’ai vécu une expérience inoubliable dans une ancienne imprimerie reconvertie pour une nuit en temple sonore. L’artiste jouait avec les échos naturels du lieu, tandis que les spectateurs, pieds nus, évoluaient dans la pénombre. C’est à la fois un jeu de piste, un rituel urbain et une exploration de soi.
Suggestions complémentaires pour curieux avertis
Au détour de mes explorations, quelques perles rares m’ont été soufflées : un bistrot troglodyte dissimulé sous les vignes près de Éguilles, un jardin privé d’essences rares à Luynes que l’on peut visiter deux fois l’an, et une cascade secrète dans le vallon du Prignon, accessible après une heure de marche. Ces lieux ne s’offrent pas à tous. Il faut être introduit, chercher, parfois se perdre un peu. Mais l’émerveillement, lui, est total.
Sortir des sentiers tracés, c’est redonner au voyage toute sa saveur. Autour d’Aix-en-Provence, ces lieux cachés dessinent une carte intime, faite d’émotions, de récits et de mystères. Il suffit de tendre l’oreille, d’ouvrir les yeux autrement, et d’accepter de ne pas tout comprendre. Car l’essentiel est souvent là, dans l’indicible beauté de l’inattendu.

Amoureuse et dénicheuses de lieux d’exception