Le lac de Garde possède cette capacité rare d’embrasser les contraires. Au nord, des falaises audacieuses qui tombent à pic dans une eau turquoise, caressées par des vents sportifs et des sentiers escarpés ; au sud, une douceur pastorale où les cyprès voisinent avec les vignobles et les villages aux pierres chaudes. Depuis plusieurs années, j’arpente les lacs alpins à vélo, mais rien ne m’avait préparée à l’expérience esthétique et sensorielle que constitue le tour du lac de Garde à bicyclette. Une boucle mi-aérienne, mi-méditerranéenne, tour à tour contemplative et athlétique, qui offre à chaque détour de route une surprise plus vibrante que la précédente. Je vous emmène dans cette odyssée à deux roues, qui se décline selon le temps, l’envie et le souffle, mais qui, toujours, se vit comme un privilège rare.

Saisir l’esprit du lieu depuis la selle

 Le lac de Garde se déploie sur plus de 370 km², soit le plus vaste des lacs italiens, épousant une forme d’amphore élancée du sud lombard au nord trentin. Son périmètre varie entre 150 et 265 km selon les tracés empruntés, et la configuration du relief impose au voyageur de composer avec des reliefs doux ou exigeants, selon qu’il serpente entre les douces collines de Desenzano ou qu’il s’élève à la sortie de Riva del Garda. C’est cette diversité géographique qui rend le tour à vélo aussi passionnant. On y trouve une alternance fluide entre pistes cyclables aménagées, routes de campagne peu fréquentées, sections plus techniques ou partagées, parfois en corniche au-dessus de l’eau.Je recommande vivement de choisir un vélo électrique pour ceux qui souhaitent conjuguer effort et plaisir sans contrainte, ou un vélo de randonnée classique pour les puristes. Quant à la durée, tout dépend de l’angle choisi. Certains l’accomplissent en un seul souffle, d’autres préfèrent étirer le plaisir sur plusieurs jours pour mieux savourer les escales.

Choisir son tempo : un tour, des possibles

 

Version express pour les aguerris

La performance pure a son charme. J’ai croisé plusieurs cyclistes partis dès l’aube depuis Salò ou Peschiera pour accomplir la grande boucle en une journée. Environ 150 à 160 kilomètres selon le parcours, pour un total oscillant entre 6 et 9 heures de pédalage effectif. Cela impose un départ très matinal — entre 7h et 8h — et une stratégie d’allure bien pensée. Les secteurs sud sont globalement plats, propices à l’allure, mais entre Limone sul Garda et Riva, l’effort s’intensifie. Dans cette version condensée, on sacrifie l’immersion, mais l’accomplissement physique prend le relais. L’adrénaline est réelle à l’arrivée, comme une boucle refermée sur un instant suspendu.

Itinéraire contemplatif sur 4 jours

Ma préférence va à une version en quatre étapes bien dosées, qui permet d’alterner exploration, dégustation et contemplation sans jamais se presser. Le premier jour, je quitte Desenzano, traverse la péninsule romantique de Sirmione, pour filer vers les villages aux façades pastel de Bardolino et Garda. Environ 45 km, une belle entrée en matière.Le lendemain, les reliefs se font plus présents : Malcesine, Torri del Benaco, puis l’ascension vers Riva del Garda. Près de 65 km, ponctués de belvédères et de tunnels cyclables. Le troisième jour, je choisis une boucle douce dans la vallée de la Sarca, entre vergers, rivières et vieilles pierres, une parenthèse de 50 km, parfaite pour les jambes. Puis vient le final : Riva vers Salò via la vallée de Ledro, magique et préservée, pour rejoindre la douceur de Padenghe.

Découper son itinéraire en 6 ou 7 jours : luxe du détail

En prolongeant l’aventure sur une semaine, le voyage devient une symphonie lente, où chaque village se découvre avec soin, où chaque terrasse devient prétexte à pause. J’ai pris le temps, cette fois-là, de m’arrêter dans les petites caves de Gavardo, de suivre les détours de la Sarca jusqu’à Arco, de goûter l’huile d’olive extraite à froid à Toscolano Maderno. Les nuits passées dans des hôtels « bike friendly » offrent souvent bien plus qu’un abri : massages post-effort, repas sur mesure, séchage des vêtements, local à vélos sécurisé.

Routes emblématiques et segments d’exception

 Parmi les incontournables, la route du Ponale reste gravée dans ma mémoire comme l’un des plus beaux segments cyclistes d’Europe. Départ depuis Riva, ascension progressive taillée dans la falaise, vue plongeante sur le lac, alternance de tunnels et de balcons naturels. À faire tôt le matin pour profiter de la lumière rasante et de la tranquillité.Autre piste remarquable : la voie cyclable du Mincio, qui file de Peschiera jusqu’à <strongMantoue en longeant un canal bordé d’herbes hautes. Une échappée bucolique idéale en prologue ou en prolongement du tour principal.

Logistique, météo, équipements : les clefs d’une traversée sereine

 J’ai appris avec les années à ne rien laisser au hasard. Un bon GPS ou une trace GPX fiable sont indispensables — certains segments alternent routes partagées et pistes discontinues. La météo change rapidement en été dans les zones alpines, les vents Ora (du sud) et Pelèr (du nord) peuvent influencer l’ordre du circuit. Pour cette raison, je préfère partir tôt le matin, entre 6h30 et 8h, selon la saison.Je n’oublie jamais mes lumières avant/arrière, deux litres d’eau minimum, quelques outils de base, et un vêtement coupe-vent léger. La majorité des hôtels de la région proposent des services dédiés aux cyclistes, avec parfois location de VAE haut de gamme sur place.

Culture et plaisirs de table : une échappée sensorielle

Faire le tour du lac de Garde à vélo, c’est aussi croiser la mémoire de l’Italie, ses citadelles, ses églises pastel, ses cafés suspendus au-dessus de l’eau. J’ai encore en bouche le Chiaretto rosé dégusté à Bardolino, les truites fumées du haut Adige, les fines lamelles de lard de Colonnata sur pain de campagne. Le Vittoriale degli Italiani, exubérant mausolée de D’Annunzio à Gardone Riviera, mérite amplement le détour. On y comprend mieux l’âme mélancolique et flamboyante qui plane sur ces rives.

Questions fréquentes de cyclovoyageurs

 Un mot aux familles : il est tout à fait possible d’adapter l’itinéraire pour des enfants à partir de 10 ans, en réduisant les étapes et en privilégiant les pistes sécurisées du sud. Le tour en une journée est réservé aux cyclistes aguerris. Des dizaines de loueurs proposent des vélos à assistance électrique, y compris cargos ou remorques enfants. Quant aux hébergements, je recommande les agritourismes avec accueil vélo, souvent bien situés, pleins de charme, et très attentionnés. Parmi mes favoris : un petit relais près de Moniga del Garda, avec vue sur les vignes et petit déjeuner maison à base de ricotta fraîche.Il n’y a pas une manière unique de faire le tour du lac de Garde à vélo. Il y a celle que l’on choisit selon l’instant, le souffle, l’envie d’effort ou de lenteur. Chacun y trouve un lac différent, un récit singulier. Le mien reste celui d’une boucle parfaite, tissée de beauté, de silence suspendu et d’émotions partagées. À chaque tour, j’y retourne autrement — et toujours avec la même exaltation.