À retenir
• Expériences secrètes entre calanques, grottes et patrimoine
• Rencontres inattendues dans des lieux inaccessibles au grand public
• Insolite ne rime pas avec farfelu, mais avec intensité
• Une autre façon de découvrir Marseille, en marge des sentiers battus
• Pour voyageurs curieux en quête d’authenticité rare
Marseille ne se donne jamais tout à fait. Elle offre des éclats, des fulgurances, des contradictions, mais se réserve l’essentiel, ce qui fait battre son cœur, à celles et ceux qui savent s’éloigner du tumulte du Vieux-Port. Ce que je suis allée chercher autour de la cité phocéenne, c’est cette part méconnue, presque clandestine, de sa personnalité. Des lieux où le silence se mêle à la puissance brute des éléments, où l’histoire affleure sous les pas, et où l’humain, souvent, redevient central. J’ai sillonné ses contours, repoussé ses limites et accepté de me perdre. Car c’est en sortant du cadre que l’on découvre l’essentiel. Voici mes plus belles explorations secrètes autour de Marseille.
La face cachée des calanques

La grotte Cosquer, trésor sous-marin et défi technique
Ce jour-là, je suis entrée dans un monde englouti. Reconstituée dans les moindres détails à la Villa Méditerranée, l’expérience Cosquer m’a fait frissonner. Il ne s’agit pas d’un musée, mais d’un voyage dans un sanctuaire préhistorique, immergé dans les profondeurs de la calanque de la Triperie. La grotte originale, désormais inaccessible sauf aux plongeurs professionnels, abrite des dessins datant de plus de 30 000 ans. Dans la pénombre feutrée de la reconstitution, avec un silence presque sacré, j’ai croisé bisons, mains humaines et pingouins tracés à l’ocre sur les parois. Le temps suspendu, l’émotion brute, le mystère intact.
Le sentier interdit des calanques
Peu de voyageurs savent qu’il existe une manière d’aborder les calanques loin des foules et des parkings. Un matin de printemps, j’ai suivi un guide vers un sentier que l’on ne trouve sur aucune carte officielle. Départ de Morgiou, escalade discrète vers un col sans nom, puis descente vertigineuse vers une crique secrète. Là, ni plage, ni sable, juste des roches polies par le sel et le vent. L’eau y est d’une limpidité fascinante. Il fallait mériter cette solitude. Je me souviens avoir nagé seule, entourée de falaises verticales, dans une mer d’huile. L’insolite, ici, prend le visage d’une nature farouche, préservée de tout compromis.
Marseille souterraine : l’autre dimension

Les carrières de la Corderie, entre vestiges antiques et luttes citoyennes
En plein cœur de la ville, sous les immeubles haussmanniens, se cache une carrière de pierre dont les blocs servirent à ériger Massalia. J’y suis descendue un soir, guidée par un passionné d’archéologie urbaine. L’espace, vaste et silencieux, m’a paru irréel. Des traces d’outils romains sont encore visibles, gravées dans la molasse tendre. La lumière des lampes frontales dansait sur les murs, révélant une mémoire minérale. Cette visite n’est pas ouverte au public – elle se transmet par bouche-à-oreille, entre initiés. C’est peut-être ce qui la rend si précieuse.
Le réseau des égouts de Marseille
J’ai longtemps hésité avant d’accepter cette visite. Et pourtant, ce fut l’une des plus fascinantes. Non, il ne s’agit pas d’un parcours aseptisé pour touristes en mal de sensations. Ici, l’architecture et l’histoire se mêlent à la technique. Les galeries souterraines, voûtées, ont quelque chose de cathédrales oubliées. Le murmure de l’eau, la fraîcheur soudaine, les passerelles métalliques rouillées… tout y est saisissant. Je n’ai croisé que trois personnes durant cette exploration. Trois silhouettes silencieuses, aussi intriguées que moi. Marseille, vue d’en dessous, est tout sauf sale. Elle est complexe, stratifiée, digne.
Patrimoine invisible et lieux fermés au public

Les jardins suspendus du Palais Longchamp
On croit tout connaître du Palais Longchamp, avec ses fontaines et ses musées. Pourtant, lors d’un événement privé, j’ai pu accéder aux jardins suspendus situés à l’arrière du monument. Un monde en apesanteur, invisible depuis la rue. Bassins oubliés, sculptures dérobées aux regards, herbes folles, cyprès taillés comme dans une villa italienne. C’est un lieu de silence, hors du temps, où même les oiseaux semblent chuchoter. Le panorama sur la ville y est bouleversant. Je ne l’ai jamais retrouvé ailleurs.
La salle des coffres de la Vieille Charité
Autre rareté : la salle des coffres de l’ancienne almshouse devenue centre culturel. Derrière une porte en bois massif, des coffres de fer forgé, des casiers gravés, des inscriptions à la plume d’époque. J’y ai ressenti un sentiment d’intrusion douce. L’espace n’est pas ouvert au public, mais certaines visites très confidentielles y sont organisées pour les amateurs de curiosités historiques. On y perçoit les bruissements d’une époque où Marseille, carrefour marchand, conservait ses secrets dans l’obscurité des pierres.
Parenthèses rurales et escapades hors norme

Une nuit au domaine viticole du Château de Calavon
Quitter Marseille pour rejoindre les terres d’Aix, ce n’est pas fuir la ville, c’est embrasser un autre tempo. J’ai dormi dans une ancienne dépendance du Château de Calavon, au cœur des vignes. Pas d’hôtel, mais une chambre d’hôtes discrète, décorée d’objets chinés et de toiles anciennes. Le matin, le petit-déjeuner m’attendait sous la treille, accompagné d’un verre de rosé pâle. La propriétaire m’a confié les clefs de la cave : en bas, 400 ans d’histoire viticole s’empilent en bouteilles silencieuses. L’insolite, ici, se conjugue à la lenteur, à la chaleur du sol, au respect des saisons.
Un dîner privé dans un mas provençal
Une rencontre m’a conduit à ce dîner. À l’écart de tout, dans les Alpilles, un chef marseillais a restauré une maison ancienne où il reçoit à la table unique, deux soirs par semaine. Tout se fait par recommandation. Le soir de ma venue, nous étions quatre, servis dans un jardin éclairé à la bougie. Tapenade, agneau confit, figues rôties, vins de Rognes… et surtout, une conversation délicieuse. L’adresse ? Je ne la donnerai pas. L’insolite n’a de valeur que dans sa rareté.
Marseille et ses environs regorgent de lieux discrets, inaccessibles, parfois oubliés. Ils se découvrent au fil des hasards, ou des confidences. Chaque expérience que j’ai vécue m’a permis de redessiner la carte intime d’une région trop souvent réduite à ses clichés. Derrière les façades, au détour d’un sentier, sous les pierres ou dans les silences, une autre Provence se révèle. Celle qui ne s’exhibe pas, mais se murmure.

Amoureuse et dénicheuses de lieux d’exception